L’américain Kenneth Boulding a dit un jour : « Celui qui croit qu’une croissance infinie peut continuer indéfiniment dans un monde fini est un fou ou un économiste. » À l’écouter, nous sommes alors en droit de nous demander si durabilité et économie font vraiment bon ménage ? L’économie circulaire peut-elle prendre le dessus sur l’économie du toujours plus ? Après avoir rencontré des acteurs locaux de cette envie de Développement Durable et Solidaire, nous essayerons de dégager les tendances actuelles. La montée du marché de l’occasion, favorisée par l’essor des réseaux sociaux, les nouvelles tendances de recyclabilité et de durabilité, deviennent des valeurs incontournables sur les marchés : outillage, véhicules, appareils reconditionnés… L’inclusion des personnes éloignées de l’emploi devient aussi une priorité dans ce contexte d’économie solidaire. Nous avons donc rencontré l’ESAT Catmanor, qui emploie 84 travailleurs présentant des problèmes psychiques, et une association épatante « Pain contre la faim », qui insère dans la société des travailleurs allocataires du RSA et éloigné de l’emploi classique. Enfin, nous avons donné la parole à Auchan Le Mans, qui possède une culture de près de 25 ans dans le Développement Durable et les problématiques de RSE
Qu’est-ce que la Responsabilité Sociétale des Entreprises ou RSE ?
Une entreprise qui pratique la RSE va chercher à avoir un impact positif sur la société, à respecter l’environnement tout en étant économiquement viable. Un équilibre qu’elle va construire avec l’aide de ses parties prenantes, c’est-à-dire ses collaborateurs, ses clients, ses fournisseurs, ses actionnaires ou les acteurs du territoire. Pour prendre le chemin de la démarche RSE en entreprise, il y a en gros 5 grands chapitres : social (qualité de vie au travail, promouvoir la diversité et l’égalité des chances), environnemental (Maîtrise des dépenses énergétiques, valoriser les déchets, réduire les émissions de gaz à effets de serre), économique (achats responsables, pérennité de l’entreprise, respect des clients), territorial (favoriser les filières locales, participer à des projets d’intérêt général) et enfin la gouvernance (management participatif, partenariats solidaires…).
Qu’est-ce que l’économie circulaire ?
C’est un système économique dédié à l’efficacité et à la durabilité qui minimise le gaspillage en optimisant la valeur que génèrent les ressources. Elle s’appuie fortement sur diverses méthodes de conservation et de recyclage pour se détacher de l’approche actuelle, plus linéaire, qui consiste à « saisir, produire et jeter ». L’initiative la plus répandue depuis quelques années concerne les déchets alimentaires et notamment les invendus. La loi sur la lutte contre le gaspillage alimentaire promulguée en février 2016 prévoit un certain nombre d’obligations pour tous les acteurs de la chaîne alimentaire (producteurs, transformateurs et distributeurs), et notamment l’obligation de signer une convention avec des associations caritatives pour faire don des invendus. Ainsi la plupart des acteurs de la distribution alimentaire en Zone Nord du Mans nous confirment leur engagement pour recycler leurs invendus. Florence Corbin, Responsable RSE chez Auchan distribue chaque jour les invendus (voir page 15) comme le Zoo de La Flèche. Il en est de même pour la boulangerie Ange, dont le pain est offert à l’association « Pain contre la faim » (voir page 11).
Les entreprises engagées dans une stratégie RSE se développent plus vite… mais pourquoi ?
D’abord les salariés éprouvent une grande fierté à travailler pour une entreprise engagée sur une stratégie RSE. Karine Delaporte travaille en Zone Nord, et avait auparavant eu une expérience de 20 années dans un grand magasin classique, assez peu porté sur les démarches RSE. Ayant intégré la structure de « Pain contre la faim » il y a 18 mois, elle retrouve du sens à son activité actuellement. « Je donne du sens à mon travail, j’ai plaisir à aider des allocataires du RSA et à les voir ensuite se réinsérer dans la société dans le cadre d’un contrat de travail normal. En plus, notre fabrication de gâteaux à base de pain recyclé permet à la fois de vendre de bons produits, mais aussi d’éviter les déchets inutiles… ». La satisfaction des équipes est donc un premier argument, mais loin d’être le seul. En effet, les consommateurs sont aussi de plus en plus sensibles à orienter leurs achats vers les entreprises dites « vertueuses ». Et notamment les jeunes générations. Un sondage IFOP de janvier 2020 montrait que 74 % des consommateurs sont sensibles à l’achat d’un produit auprès d’une entreprise engagée en RSE. Troisième argument, le recrutement : en effet 76 % des étudiants de grandes écoles indiquent que l’engagement social et environnemental d’une entreprise est un critère essentiel dans leur recherche d’emploi (Source Ipsos | BCG – CGE – Talents : ce qu’ils attendent de leur emploi – janvier 2020).
Quel avenir pour la RSE ?
La crise sanitaire a souligné l’intérêt d’adopter un comportement socialement responsable et respectueux de l’environnement. Aujourd’hui, un nombre croissant d’entreprises, d’administrations, d’associations et, de façon générale, d’organisations, semble prêt à prendre le virage de la RSE. Depuis 2001 et la publication d’un Livre vert par la Commission Européenne, visant à promouvoir un cadre européen pour la RSE, de nombreuses évolutions réglementaires sont venues renforcer la légitimité de cette démarche : la loi Sapin II (2017), qui introduit l’obligation pour les entreprises d’inscrire dans leurs rapports de gestion des informations relatives aux actions de prévention de la corruption, et plus récemment la loi Pacte (2019), qui intègre la notion d’ ” entreprise à mission ” et de ” raison d’être “. Mais au-delà du seul cadre réglementaire, un changement de paradigme semble avoir été opéré en matière de responsabilité sociétale, de développement durable et d’engagement éthique. Aussi, depuis quelques temps, on voit des start-up s’intéresser à la RSE (comme le montre le Salon « Change Now » qui promeut des solutions répondant aux Objectifs de Développement Durable définis par l’ONU). Au-delà, la création le 22 mars 2021, par Euronext, du CAC40 ESG, qui regroupe les 40 sociétés qui ont démontré les pratiques les plus exemplaires du point de vue environnemental, social et de gouvernance (ESG), est également révélatrice des attentes des investisseurs et du marché en faveur d’une finance plus durable. La crise du coronavirus a-t-elle agi comme un catalyseur d’un changement profond ou s’est-elle simplement inscrite dans la suite logique de tendances déjà préexistantes ? Difficile d’être catégorique face à cette question. Une certitude en revanche, développement durable, responsabilité sociétale ou encore recyclabilité, semblent être les maîtres mots de demain.