François Génicon
L'ecrin du Buisson

FRANÇOIS GÉNICON
PRÉSIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DU MANS


La plus haute autorité de Justice en Sarthe est le Président du Tribunal Judiciaire du Mans. Nous avons eu la chance de le rencontrer, il nous explique son rôle ainsi que les missions apportées gratuitement aux citoyens sarthois. En dépit d’un manque de moyens chronique et de réformes nationales au gré des mouvements pendulaires du pouvoir, la Justice poursuit vaille que vaille son rôle grâce au dévouement de ses magistrats et de leurs équipes. Tour d’horizon de la justice en Sarthe avec François Génicon, un Président épris par ses fonctions et bien décidé à mener à bien la réforme de 2020.

Définissez-nous le rôle de la Justice ?

La Justice protège le faible (les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, etc..). Elle règle des différends entre particuliers et puis elle punit aussi (droit pénal) ou elle répare. La justice a aussi pour fonction de restaurer un équilibre entre les parties. Elle indique quelle règle de Droit doit être appliquée. L’objectif est d’assurer une paix sociale dans un cadre équitable pour tous. Pour prendre une métaphore familière, le Juge c’est l’arbitre de football sur le terrain. Le terrain c’est la société. Il y a une règle du jeu, on l’applique. Les coups de sifflet représentent en quelques sortes le Droit Civil, quand les cartons – jaunes ou rouges – représentent le Droit Pénal : si la règle de droit est violée et si les intérêts des joueurs ou de la société sont atteints, on passe à la justice pénale et les sanctions : sanction voire exclusion (prison).

Comment la justice pénale est-elle organisée ?

Au départ il y a une enquête, le parquet est chargé de la contrôler. Il filtre à l’entrée : infraction ou pas infraction, poursuite ou pas, et si poursuite vers quelle juridiction. Le parquet est représenté par les procureurs, vice-procureurs, substituts du procureur (ministère public). Ils dirigent les enquêtes de police judiciaire et font venir les citoyens au tribunal. Ensuite la magistrature assise prend le relais en rendant les décisions de justice, ce sont les juges. Les juges peuvent être des généralistes, appelés à siéger indifféremment dans des chambres civiles ou correctionnelles, ou avoir des fonctions spécialisées : juge aux affaires familiales, juge des enfants, juge d’instruction, juge de l’application des peines. Puis le parquet exécute les décisions des juges.

Le tribunal d’instance de La Flèche va devenir un tribunal de proximité

Francois Génicon

Comment expliquez-vous ce côté souvent méconnu par la société ?

La Justice est souvent méconnue ou alors idéalisée ou au contraire décriée. La Justice est vilipendée par la société en tant qu’instance collective : les avocats sont véreux, les notaires sont pourris, les juges sont corrompus…la justice est lente… Paradoxalement, pour les gens qui ont côtoyé la justice : mon avocat, mon juge, je les aime… Évidemment mal connue aussi parce que on ne connaît la justice que par la représentation de la télévision. Les médias se concentrent ainsi sur les affaires de droit pénal, et ne parlent presque jamais des affaires de droit civil, affaires qui occupent pourtant bien la majorité du temps nos magistrats.

Expliquez-nous votre rôle en tant que Président du Tribunal Judiciaire ?

Je n’ai pas de pouvoir hiérarchique sur les magistrats sur le fond des affaires (indépendance totale). Par contre le président arbitre l’organisation administrative du fonctionnement des magistrats. Le Président est le garant de leur indépendance vis-à-vis des deux autres grands pouvoirs, à savoir le législatif (les élus) et l’exécutif (le préfet). Le président du Tribunal Judiciaire est aussi la courroie de transmission avec le 1er président de la cour d’appel, qui est une autorité administrative sur les présidents des Tribunaux Judiciaires de la région. Si l’on compare avec un chef d’entreprise, je suis responsable de la gestion de mon entreprise, mais je n’ai malheureusement pas le pouvoir sur les commandes, ni sur les salaires, ni sur les budgets…

Expliquez-nous la réforme de la Justice qui s’opère en ce mois de Janvier 2020 ?

C’est une réforme de l’organisation judiciaire (administrative) qui vise à fusionner les ex Tribunaux de Grande Instance et d’Instance. Cela va donner le Tribunal Judiciaire. Ce n’est pas une mauvaise idée d’ailleurs car cela va simplifier et donner une seule porte d’entrée. Le Tribunal de La Flèche va devenir une antenne du Tribunal Judiciaire, c’est une chambre de proximité qui va dorénavant se nommer « tribunal de proximité ». Nous n’allons pas donner davantage de compétences qu’auparavant car La Flèche est très proche du Mans et la magistrature sur place n’est pas assez importante. Les juges vont devenir des juges du contentieux et de la protection. La difficulté de cette fusion va résider dans les systèmes informatiques qui sont différents, et tout cela dans un contexte de manque de moyens du ministère de la Justice, notamment sur les matériels et logiciels informatiques qui sont très en deçà des standards d’aujourd’hui… L’essentiel des augmentations budgétaires décidées par l’État sont allouées à la construction et la rénovation des Centres Pénitentiaires.

Depuis 30 ans il n’y a pas eu de véritable hausse du nombre de magistrats. Par exemple nous avons 29 postes de magistrats au siège : la chancellerie reconnaît que nous devrions en avoir 31… Or j’ai 4 postes inoccupés : un vice-président du service civil détaché, une retraitée remplacée en septembre prochain, un juge d’instance muté à Versailles non remplacé, et un juge des affaires familiales en arrêt maladie. Sur ces 25 restants, j’ai 3 magistrats à temps partiel… J’arrive donc à un équivalent temps plein de 24,4 magistrats, là où tout le monde reconnaît qu’il m’en faudrait 31… Soit près de 25% de manque d’effectifs…
Parallèlement on demande de plus en plus à la Justice : tout est judiciarisé, normé… De plus en plus de recours aux juges…
Actuellement mes magistrats travaillent 50, 60, 70 heures par semaine…

Dernier sujet ayant attrait au droit pénal, la politique menée sur les courtes peines ?

En matière pénale, l’État mène sur la durée une politique schizophrène. Cela a commencé en 2007 avec les peines planchers. On nous a dit il faut appliquer les peines planchers, il faut être sévère et nous étions obligés d’appliquer les textes… Mais le problème c’est l’intendance car nous n’avions pas les moyens pour gérer le « tout carcéral » …. Puis sous l’ère suivante le balancier a changé de côté : peines aménageables jusqu’à 2 ans d’emprisonnement ferme. Actuellement on peut toujours aménager, mais jusqu’à 1 an d’emprisonnement ferme… Cela me paraît légitime – j’ai été longtemps Juge d’Application des Peines, je suis partisan de l’aménagement. Toutefois il ne faut pas non plus vider totalement de sa substance la prononciation d’une peine d’emprisonnement… Même s’il vaut beaucoup mieux qu’il n’y ait pas de sortie sèche afin d’éviter la récidive.


Chiffres clés

TRIBUNAL JUDICIAIRE DU MANS
110 fonctionnaires
→ 29 magistrats du siège (juge) dont 1 président
→ 10 magistrats du parquet dont 1 procureur

TRIBUNAL DE PROXIMITÉ DE LA FLÈCHE
5 fonctionnaires
→ 1 magistrat du siège (juge)

Bruno Réchard

Bruno Réchard, rédacteur en chef du Petit Sarthois

L'ecrin du Buisson

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