Alors que l’économie globalisée encourage l’individualisme et transforme les habitants en consommateurs, il importe de revenir à la pensée du bien commun, des valeurs du collectif. C’est en confirmant sa vocation première à aménager les lieux et les hommes que l’Architecture contribuera demain comme aujourd’hui à améliorer nos espaces de vie. Fabienne Paumier, architecte de l’agence PHARO du Mans, nous explique sa vision du logement de demain et les différents enjeux qui en découlent… passionnant !
Comment voyez-vous l’évolution de notre habitat ?
Le concept de maison individuelle va à l’encontre des nouveaux modes de vie en milieu urbain. Quand on interroge des habitants d’appartements bien conçus, ils sont heureux car ils ont des grands espaces publics de qualité. Il faut aussi privilégier le renouvellement urbain, à partir des logements existants, qui sont souvent dégradés ou inappropriés, voire parfois indignes. Au Mans notamment, il y a beaucoup d’habitations à rénover.
Vous parlez de grands espaces publics, pouvez-vous nous expliquer ?
J’aime prendre les exemples des pays plus au nord de l’Europe. Un bon exemple est celui d’Utrecht aux Pays-bas : des logements collectifs compacts mais bien conçus, et de vastes espaces publics avec des cheminements piétons, des transports en communs, des espaces ludiques pour enfants et adultes, sofas urbains, food trucks… et bien entendu la considération d’enjeux écologiques concertés. En France comme en Sarthe, on a une culture de la maison individuelle, et malheureusement nous architectes n’avons pas une grosse influence sur les projets de zones d’aménagement concerté. Ce sont les maitres d’ouvrage et les politiques qui décident. Cet espace urbain repensé est un enjeu d’avenir pour les élus locaux et les citoyens.
Quant aux logements collectifs à proprement parlé, comment ont-ils évolué depuis 30 ans ?
La qualité des logements a grandement augmenté, avec l’apparition de normes techniques plus exigeantes : meilleure isolation (thermique et phonique), ils sont mieux ventilés (VMC), moins énergivores et mieux pensés. Pourtant la surface des logements a un peu diminué. Il y a 30 ans un T3 par exemple faisait 70 m2, maintenant il fait généralement plutôt 62 à 65 m2. Mais la surface utile reste à peu près la même par la suppression des couloirs et le décloisonnement des appartements (par exemple les cuisines ouvertes). Les appartements sont aussi dorénavant beaucoup plus tournés vers les extérieurs : grandes surfaces vitrées, balcons. Laisser entrer la lumière présente le double avantage de moins consommer d’électricité et de gagner en bien-être. Les logements collectifs et leur verticalité permettent d’éviter les masques comme arbres, vis-à-vis…. Le site est aussi très important car un logement se valorise aussi par la qualité de ses relations avec les espaces extérieurs.
Quels sont les atouts des logements collectifs pour affronter les enjeux de société ?
D’abord il faut comprendre que le nombre d’habitants par logement a diminué en 30 ans (divorces, vieillissement de la population…). Et l’étalement urbain ne peut continuer au rythme effréné du 20ème siècle pour des raisons écologiques. L’habitat collectif permet donc de densifier les centres-villes et de réduire les distances à parcourir, favorisant ainsi la marche et l’utilisation du vélo. En outre, les petits appartements forcent les habitants à sortir pour utiliser les ressources offertes par la ville et qu’ils ne peuvent trouver chez eux. Lorsque les citadins doivent sortir pour subvenir à leurs besoins quotidiens, la ville devient plus intéressante : lorsque les quartiers abritent des services collectifs comme des laveries, des magasins, des distractions, la ville prend tout son sens. Il faut donc que les responsables politiques et les habitants croient dans le logement collectif comme solution d’avenir.