Au 31 décembre 2021, l’artisanat en Sarthe comptait 11 013 entreprises. Est considérée comme artisanale toute entreprise composée de moins de onze salariés au moment de son inscription au Répertoire des Métiers. Les entreprises artisanales exercent, à titre principal ou secondaire, une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services, figurant sur une liste établie par décret en Conseil d’État.
Les principaux secteurs en Sarthe sont la construction (35,5 %), les services à la personne (33,5 %), l’artisanat de production (18 %), et l’alimentation (13 %) C’est un secteur dynamique puisque 1 250 entreprises ont été inscrites au CFE en 2021, contre 679 radiations (source CMA Sarthe). Dans la Sarthe le nombre d’entreprises artisanales a pratiquement doublé en 10 ans, et ces petites entreprises font preuve d’une remarquable adaptabilité face aux dernières crises sociétales (pandémie, guerre, inflation…).
Nous vous proposons une série de portraits d’artisans sarthois, passionnés par leur métier et lucides face aux défis de nos sociétés modernes.
Une capacité à s’adapter rapidement
L’ensemble des artisans rencontrés ont dû affronter la pandémie, et nombre d’entre eux se sont retrouvés en première ligne pendant la pandémie. Nos 1600 artisans de l’alimentation notamment, sont les rares commerces à être restés ouverts : charcutiers, boulangers, bouchers ont nourri la France et adapté leurs commerces aux contraintes sanitaires. « Nous avons ressenti un réel besoin dans les quartiers, sur les marchés » se souvient Gislain Debard, un charcutier proche de ses clients sur les marchés de Coulaines et du Mans. « Le besoin de proximité, d’aliments sains et locaux, a permis à notre filière de revenir sur le devant de la scène ». De même dans le bâtiment, les artisans sont restés sur le pont, et affrontent dorénavant une autre crise, celle des matières premières… Bruno Pappens, menuisier agenceur à Montfort le Gesnois, a vu le bois prendre plus de 50 % de hausse depuis 1 an « Nous avons dû augmenter nos prix et compresser nos marges ; et parfois privilégier des essences moins chères comme le Pin Douglas, au détriment d’essences de bois plus dures à trouver actuellement comme le chêne. » analyse-t-il. Ces difficultés n’ont pas empêché le secteur de croître, avec une augmentation constante du nombre d’artisans qui s’installent.
La forte poussée des métiers alimentaires
Les évolutions des choix des secteurs de création sont révélatrices des comportements de consommation, relève l’INSEE dans une étude parue en 2021 (voir tableau ci-après), ce qui se traduit par une forte poussée dans la chocolaterie, la fabrication de biscuits ou de plats préparés. Cette progression dans l’alimentation témoigne « du bouleversement des habitudes de consommation des Français ces dernières années, entre avènement des circuits courts, volonté de « manger local » et développement de la consommation nomade », confirme Séverine Blanquez, Directrice de l’URMA Sarthe, le centre de formation des apprentis situé quartier de la Californie au Mans, spécialisé dans les métiers alimentaires (voir page 11). Ainsi, le secteur de la restauration artisanale rapide a vu ses effectifs en France progresser de 22 % entre 2019 et 2021. Et la progression du nombre des élèves dans les filières alimentaires étudiant à l’URMA du Mans est fulgurante : 580 à 650 entre 2019 et 2021 ! Mis à part la filière bouicherie qui connait cette année un petit coup de frein.Cette jeunesse n’éprouve que peu de difficultés à trouver du travail tant les besoins sont grandissants. « 80 % de nos élèves trouvent un CDD de plus de 6 mois ou un CDI en sortant de notre établissement » précise Séverine Blanquez.
L’artisanat, des valeurs plébiscitées
L’artisanat répond à 2 questions sociétales fortes, ce qui envoie des signaux encourageants quant à son évolution future. D’abord, le regain d’intérêt pour les métiers de la création et le travail de la main. Deuxième préoccupation majeure, les tendances de marché sont favorables à l’artisanat, avec la recherche croissante de produits locaux. La proximité est un critère d’achat fort. Deux Français sur trois privilégient en effet la proximité en matière d’alimentation (Crédoc, consommation et modes de vie, mai 2018). L’artisanat est particulièrement bien implanté, partout en France (depuis 2009, le nombre d’entreprises artisanales ne cesse d’augmenter dans les villes et les campagnes, Insee/ISM). Le tissu artisanal est même plus important dans les campagnes et les quartiers prioritaires de la ville, jouant ainsi le rôle d’amortisseur économique dans les territoires en difficultés. Ce rôle fort des TPE artisanales, moteurs économiques et actrices du lien, est soutenu par le gouvernement. L’artisanat cristallise ainsi les attentes de la société ; souple, proche des gens, humain, il en devient un précieux indicateur.
Mais l’artisanat reste essentiellement le fait de micro-entreprises
Aujourd’hui, « sur 1250 immatriculations en 2019 en Sarthe, 825 sont des micro-entrepreneurs », pose Fabienne Malhaire-Boulanger, Présidente de la Chambre de Métiers de la Sarthe. Le tissu entrepreneurial est donc fragile, les entreprises sont de plus en plus petites. En 2018, 61 % des entreprises artisanales n’ont pas de salarié (contre 43 % en 2000, ISM). Globalement, le coût du recrutement du premier salarié est considéré comme trop élevé et les entrepreneurs reculent avant de franchir ce pas. Seules 5 % des entreprises créées emploient des salariés lors du démarrage de l’activité (contre 20 % en 2007, selon l’Insee). « On touche là aux limites de la micro-entreprise », commente Fabienne Malhaire Boulanger. Dans le bâtiment par exemple, pour accéder aux marchés de la rénovation énergétique, notamment aux marchés publics, il faut être une entreprise structurée. Néanmoins certaines entreprises préfèrent conserver une petite taille autour de 5 salariés, car le recrutement, le management, les formalités constituent autant de défis qui aspirent de l’énergie et nécessitent l’appui de services externes : expertise comptable, agences de communication, et parfois du juridique…
Crise… et reprise… et re crise….
En 2017, 30% des entreprises de plus de trois ans se disaient en situation financière difficile, contre 21 % en 2013 (ISM). En 2018, c’est la crise des Gilets jaunes qui a, selon CMA France, impacté un artisan sur deux. Après un relatif tassement entre 2015 et 2017, le nombre de créations d’entreprises artisanales a néanmoins repris le chemin de la hausse en 2018 (177.500 entreprises, +14 % par rapport à 2017). Et ce dans tous les secteurs. Le frémissement est léger, mais l’année 2018 a aussi été marquée par une hausse du chiffre d’affaires (CA) des entreprises artisanales (+2 %, portée par le BTP), qui se maintient en 2019 (baromètre U2P/I+C). Le CA réalisé par les micro-entreprises a bondi en 2018 (+24,9 %), ce qui est le pur effet de la hausse des seuils (doublement des seuils de chiffre d’affaires de 2018). Car, avant 2018, le revenu annuel moyen des micro-entrepreneurs est quatre à cinq fois moins élevé que celui des indépendants du régime classique (ISM). Mais cette bonne conjoncture récente a pris de plein fouet la crise du Covid-19, fragilisant encore davantage ces micro-entreprises.