Journée découverte du métier de maroquinier

POURQUOI FAUT-IL PROTÉGER LES TOURBIÉRES ?

Les tourbières, comme la plupart des zones humides, n’étaient autrefois considérées que comme des milieux insalubres. Il fallait à tout prix les assécher, les assainir, au nom de la salubrité publique et de l’occupation des sols. Ce n’est que depuis une trentaine d’années seulement que l’on a pu mieux comprendre le rôle majeur qu’assurent ces milieux et admettre l’intérêt, voire la nécessité, de leur conservation. Situées à l’interface entre les milieux terrestres et aquatiques, les tourbières sont de formidables réservoirs de vie mais également de véritables entités naturelles qui jouent un rôle essentiel dans le cycle de l’eau. On sait, aujourd’hui, qu’elles assurent une multitude de fonctions, communes aux zones humides en général, mais aussi avec d’autres spécificités. En Sarthe nous avons la chance d’abriter des zones tourbeuses ou des zones de bas marais tourbeux. La plus célèbre est celle de la Basse Goulandière à Parigné l’Évêque (voir page 21), mais notre département en abrite aussi sur Savigné-sous-le-Lude (voir page 23), Perseigne (page 27) ou Auvours, pour ne citer que quelques exemples.

UNE TOURBIÈRE KESAKO ?

Le terme de tourbière définit une zone humide où se forme et s’accumule de la tourbe (charbon, fossiles constitués de débris végétaux mal décomposés accumulés sur place au fil des ans). C’est un écosystème saturé en eau et généralement pauvre en éléments nutritifs contenant une faune et une flore caractéristiques. Un habitat est qualifié de tourbeux si son sol possède au moins 20 à 50 cm de tourbe. Un habitat naturel est qualifié de tourbeux lorsqu’il présente au moins l’une des deux propriétés suivantes : son sol est constitué de tourbe  et/ou  la végétation qui s’y développe est turfigène (= productrice de tourbe). On estime que la production de tourbe (et donc le stockage de carbone) se fait à hauteur de 1mm par an, soit 10cm tous les 100 ans ou encore 1m tous les 1000 ans. Une tourbière peut être acide ou alcaline selon la nature des roches qu’a traversé l’eau. Dans le cas de la RNR de la basse Goulandière, les milieux tourbeux correspondent majoritairement à des bas marais alcalins. Leur rôle dans le cycle de l’eau revêt une importance capitale. Elles possèdent une réelle capacité de stockage de l’eau, leur permettant de retenir des volumes importants et de les restituer progressivement aux hydrosystèmes adjacents. Les tourbières participent ainsi activement à la régulation des débits des eaux superficielles (écrêtement des crues, soutien des étiages) et souterraines (rechargement des nappes). Elles assurent également un rôle de filtration et d’épuration des eaux (dénitrification, piégeage et stockage des sédiments, filtration des polluants), leur permettant de restituer dans l’environnement des eaux de grande qualité, ce qui en fait des sources naturelles d’eau potable à préserver absolument.

UN MILIEU À PROTÉGER

Les tourbières constituent des écosystèmes uniques. Les facteurs écologiques souvent très marqués (forte humidité permanente, températures souvent basses, acidité et pauvreté des eaux…) font des tourbières des milieux contraignants qui abritent des biocénoses spécialisées, uniques, que l’on ne rencontre dans nul autre écosystème. Les tourbières sont ainsi de véritables conservatoires biologiques.

Selon Julve (1996), environ 6 % des espèces végétales sont inféodées plus ou moins strictement aux tourbières. Dans la liste rouge nationale des espèces végétales menacées, 27 espèces sont caractéristiques de ces milieux. Ces chiffres sont à comparer à la superficie relativement faible qu’occupent à ce jour les tourbières en France – à peine 0,1 % du territoire – ce qui montre la grande valeur patrimoniale de ces milieux. De même, de nombreuses espèces animales dépendent étroitement des tourbières, certaines leur étant strictement inféodées.

Une multitude d’invertébrés, notamment, ne vivent qu’en milieux tourbeux : plusieurs espèces de papillons, comme le Nacré de la canneberge, le Solitaire, le Cuivré de la bistorte ou le Fadet des tourbières ; de nombreuses libellules, comme l’Agrion hasté ou l’Agrion à lunettes… Les tourbières constituent des biotopes indispensables à la reproduction de certains batraciens, de plusieurs espèces d’oiseaux comme les Busards, le Courlis cendré ou le Grand tétras mais aussi de certains mammifères comme la Loutre ou le Vison d’Europe. Elles jouent également un rôle important dans la migration des oiseaux en constituant des zones de passage ou d’hivernage privilégiées.

UNE BIODIVERSITÉ PARTICULIÈRE

Si les tourbières de la Sarthe ont une position quelque peu marginale par rapport à l’aire de distribution optimale de ces écosystèmes, leur diversité, en revanche, est exceptionnelle grâce à la situation biogéographique de notre département, où convergent des influences climatiques atlantiques, continentales et même boréales. Selon l’importance relative de ces diverses influences, se développent des cortèges de plantes et d’animaux caractéristiques. Certaines espèces sont ainsi de véritables témoins du passé : largement distribuées sur notre territoire à l’époque glaciaire, ces espèces ont progressivement régressé à mesure des changements climatiques. Mais elles ont trouvé dans les tourbières, notamment en basse altitude (au nord du département), des zones de refuge dont les conditions micro-climatiques sont restées presque inchangées depuis des milliers d’années (forêt de Perseigne notamment, voir p.27).

Les tourbières sont des écosystèmes originaux dont l’étude est absolument passionnante. Elles possèdent un fonctionnement que l’on ne rencontre dans aucun autre écosystème, tant du point de vue de leur hydrologie que de la genèse de leur sol, induisant une organisation et un fonctionnement très particuliers des communautés vivantes. Par exemple, les conditions écologiques souvent très contraignantes qui y règnent et qui trouvent leur apogée sur les tourbières ombrotrophes (Auvours) ont nécessité, de la part des organismes qui y vivent, le développement d’adaptations tout à fait remarquables. 

Certaines espèces, comme les Droséras, les Utriculaires ou les Grassettes, sont ainsi devenues carnivores pour pallier la pauvreté du milieu en éléments azotés. Les Sphaignes (voir p.27), quant à elles, sont capables, grâce à de grandes cellules creuses (hyalocystes), de stocker jusqu’à 30 fois leur propre poids en eau. Et l’on a récemment découvert que le lézard vivipare (voir p.25) possède une substance « antigel » dans le sang lui permettant de résister aux fréquentes gelées dans les tourbières !

En attendant de mieux connaître leur localisation et leur fonctionnement, il est vital d’enrayer leur dégradation, car leur restauration n’est pas chose aisée et peut prendre plusieurs milliers d’années.

Merci à Solène Sacré du Conservatoire des Espaces Naturels des Pays-de-la-Loire pour ses conseils avisés.

Bruno Réchard

Bruno Réchard, rédacteur en chef du Petit Sarthois

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