Rénové avec goût, parsemé de verdure, « Etoc-Demazy » est désormais un lieu à vivre dédié à la tranquillité en pleine ville. L’ancien hôpital psychiatrique du Mans est également un lieu peuplé d’histoires…
Etoc-Demazy, aliéniste précurseur
Le nom du site nous vient de Gustave Etoc-Demazy, aliéniste manceau et premier médecin-chef de cet « établissement pour déments », construit à partir de 1829 (par l’architecte Delarue à qui on doit aussi l’actuel Musée de Tessé et l’ancien théâtre municipal) et fermé en 2011 à cause de sa vétusté. Il y accomplit toute sa carrière (entre 1834 et 1872) et en fit un exemple de modernité dans l’approche de la maladie psychiatrique. En effet, l’asile devient alors un instrument de guérison et pas seulement un lieu d’enfermement. «… malades agités ou, comme on dit, furieux… c’est un de ces mots qui ne devraient jamais être prononcés dans un asile d’aliénés, écrivit Etoc-Demazy. Depuis que le traitement de la folie est devenu plus rationnel, plus philosophique, je pourrais dire tout simplement, plus humain, les furieux sont aussi rares qu’ils étaient nombreux. » Pendant quarante ans, Etoc-Demazy tint tête aux autorités administratives et religieuses se refusant aux thérapies violentes (dissections, internement…) et privilégiant le soin apporté à la douleur morale des patients.
Les « loges » pour les plus « dangereux »
L’asile était réparti en huit bâtiments, correspondant aux « classes des malades ». Hommes et femmes étaient séparés. L’un des pavillons, appelée « l’aile des agités », était réservé aux individus jugés « dangereux », qualification qui remplaça le terme « furieux » à la fin du 19e siècle… Leur cellule était grillagée, sans sanitaires et, à une certaine époque, jonchée de paille… Mille pensionnaires pouvaient être accueillis, la plupart dans de longs dortoirs qui comptaient jusqu’à 120 lits. Les patients les plus aisés se voyaient attribuer des chambres individuelles avec leur domestique.
Cluster de la grippe espagnole de 1918
Il y a cent ans, la « Covid 19 » serait presque passée pour un gros rhume à côté de la grippe espagnole qui sévit en Sarthe entre 1918 et 1919. L’historien Hervé Guillemain, professeur à l’Université du Maine, souligne* que cette épidémie s’est déclenchée au sein même de l’hôpital psychiatrique du Mans, se répandant comme une traînée de poudre. 300 des 950 patients auraient en effet perdu la vie entre juin 1918 et juin 1919. « Les malades fragiles, enfermés, mal nourris ont été plus sujets à la mortalité, créant une grande inquiétude chez les habitants sarthois. »
Classé aux Monuments Historiques
« Mêmes travées rectilignes que Gare Sud, sérénité possible, mettre de l’ordre dans le désordre… » Dans le livre « Le Mans Face B » (Bost Production, 2000), Joël Canet, ancien psychiatre à « Etoc », jetant ces quelques mots en pagaille, a comme prédit l’avenir du site, aujourd’hui havre de paix de 1000 mètres carrés, entre la Gare Sud et le Boulevard Demorieux, des lieux plutôt fréquentés ! La symétrie des pavillons pensée pour assagir les âmes tourmentées se marie à merveille avec les grands espaces verts et les longues galeries sous arcades. La réhabilitation des bâtiments, transformés en 88 logements, a été menée dans le respect des matériaux de l’époque (toits en ardoise, pierre de taille, briques…) et en adéquation avec le label « Monument Historique » du site, le seul du 19e siècle pour la ville du Mans. La chapelle (en état de dégradation avancé), le pavillon, la conciergerie, la galerie et l’élévation sont en effet tous classés depuis 2001. Résultat : un style hospitalier préservé et un lieu unique au Mans !
* podcast « 5 minutes pour comprendre », Histoire des crises sanitaires en Sarthe