L'ecrin du Buisson

UN MANCEAU VAINQUEUR EN 1980, AU VOLANT DE SA PROPRE VOITURE

Jean Rondeau, artisan de génie 

Pilote et constructeur, Jean Rondeau a représenté l’une des époques les plus magnifiques du sport automobile, où la performance naissait de l’ingéniosité et du courage personnels. Natif du Mans en 1946, il découvre le circuit à trois ans avec ses parents. La passion est immédiate, le souvenir indélébile. Adulte, il va fédérer autour de sa détermination de nombreuses personnalités venues d’horizons très différents, pilotes ou partenaires. Survol d’un parcours exceptionnel, pionnier à bien des égards, et surtout vainqueur en 1980, genre d’histoire qui fait la légende des 24H du Mans.

A l’ATAC : Association Technique Auto Course

Au soir de juin 1975, Jean et une bande de passionnés décident autour d’une table de concevoir leur propre voiture pour Le Mans. « A prendre tous les risques avec des voitures qui n’en valent pas le coup, autant forcer le destin avec une, construite par nous qui sera fiable. » Déjà, il esquissait le futur modèle : moteur, châssis, pneus, tout était pensé. Des idées, des bonnes volontés autour d’eux : le projet Association Technique Auto Course venait de voir le jour. Restait le financement. Une solution innovante est choisie. Un fabriquant de papier peint, Inaltéra, versera et apposera son nom. En 1976, deux prototypes GTP sont engagés et une victoire de catégorie viendra récompenser le travail formidable.

Tout semble prendre fin avec le retrait de l’argentier. Obligée de déménager l’atelier montage à Champagné, la jeune équipe va continuer, grâce aux partenaires locaux et Marjorie Brosse épouse du préfet. Chargée du sponsoring, elle donne un élan nouveau. Styliste, elle crée une ligne de combinaison pour l’écurie. Désormais, le M de son prénom habillera les prototypes, l’ambition relancée dans un temps record. Après des prestations remarquées, dues au châssis,  propulsé par le V 8 Ford- Cosworth, les voitures devenues Rondeau  remporteront à nouveau leur catégorie les  3 années suivantes.

Le jour de gloire en 1980

Une fine équipe de pilotes Pescarolo-Ragnotti (N°15) mais aussi Jaussaud-Rondeau les frères Martin et le Britannique Spice sur la troisième est annoncée pour la 48ème édition en 1980. Tout est mis en place pour transformer l’aventure humaine en réussite sportive avec un budget de 1,8 million de francs. En ce mois de juin 1980, des soucis techniques bloquent sa M 379 au stand si bien qu’une demi-heure avant la fin des essais, elle n’est toujours pas qualifiée. Finalement, elle s’élancera de la 3e ligne.

Au fil d’une ronde rythmée par la pluie, le duel pour la victoire va opposer Ickx /Joest à Rondeau après l’abandon de l’autre équipage français. La course bascule, lorsque vers 10 heures du matin, la Porsche s’arrête, pignon de boîte de vitesses cassé, coûtant 27 minutes à la N° 9. La N°16 conserve la 1ère place, malgré une ultime frayeur pour Jaussaud à trois quarts d’heure du drapeau. Sous une nouvelle averse, l’auto se prend une véritable mare d’eau. Voiture en travers et tête à queue maîtrisée pour finir, la manœuvre a permis de ne pas se prendre le rail. Mais le moteur a calé… le démarreur actionné : rien… 30 longues secondes, la voiture repart. Avec un peu moins de deux tours d’avance, le succès ne pouvait plus leur échapper.

La 3ème complète le podium, valorisant un peu plus l’exploit. Si pour le constructeur allemand, cela aurait donné quelques ventes, pour le sarthois, c’est la survie dont il est question. Un triomphe, réception à ‘Élysée avec les mécaniciens, parade au Mans.

La joie de la victoire devant Porsche et Jacky Ickx en 1980 !

Carrière hors norme et fin tragique

L’année suivante, l’écurie signe un double podium et une autre victoire de catégorie avec P. Streiff/J.Haran/J-L Schlesser (2e) et G.Spice/F.Migault (3e). En 1982, les seules Rondeau à l’arrivée sont respectivement 10 et 19ème, mais frôlent le titre mondial. Désillusion, en 1983 les nouvelles M482 sont contraintes à l’abandon. A partir de 1984, l’engagement de ses voitures est l’initiative d’équipes privées. Il redevient « simple » pilote, terminant 2ème en 1984 sur Porsche 956. L’année suivante, il finit à une 17ème place avec le constructeur français WM. Tandis qu’il diversifie ses activités de constructeur avec la Formule Ford, ses monoplaces sans appui aérodynamique remportent les deux premiers titres en 84 et 85, il nourrit d’autres projets comme la Venturi. 

Le passage à niveau de Champagné en décidera autrement. Jean Rondeau meurt bêtement le 27 décembre 1985 percuté par le train Paris- Rennes au passage à niveau de Champagné. Adieu à un artisan de génie.

La M379 B victorieuse – Source Wikimedia

Jean entre dans l’histoire en étant le seul constructeur vainqueur au volant de sa propre voiture. Pour autant, il ne le vit pas comme un aboutissement. Il veut durer au sommet de l’endurance…

Bruno Réchard

Bruno Réchard, rédacteur en chef du Petit Sarthois

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